Virtuel Audio

VR Story – Collectif de professionnels de la VR. Portrait d’Eric Münch – « Du son 360 sur la banquise »

L’objectif de VR Story, dont Virtuel Audio fait partie, est d’enrichir l’offre VR actuelle en y apportant du contenu créatif et pertinent pour que la VR ne reste pas qu’une simple « expérience immersive » mais devienne un outil performant pour raconter des histoires.

Eric Münch, un ingénieur du son engagé, a rejoint l’équipe d’Antartica pour réaliser la prise de son du documentaire 360 diffusé sur la plateforme d’Arte. Récit d’un voyage épique au cœur de l’Antarctique. 

Au départ et dix ans après le succès mondial et un Oscar pour le documentaire sur les manchots, « La Marche de l’Empereur », le réalisateur Luc Jacquet veut retrouver un des plus beaux endroits de la Terre d’Adélie pour montrer l’extraordinaire biodiversité terrestre et sous-marine.

Eric n’avait pas fait partie du premier tournage : à l’époque il avait formé à la prise de son un des scientifiques de l’équipe. En revanche, Luc lui avait confié le mixage final. Cette fois-ci le réalisateur lui a demandé si ça l’intéressait « d’y aller pour s’occuper du son » : « on va réaliser un film, deux docs ; deux caméras, la mienne et celle de Jérôme Bouvier ». Luc ajoute « il y a aura de la VR ». Pour Eric, Impossible de refuser… Mais il veut vraiment apporter sa touche à l’histoire et pour cela, il va convaincre Christophe Millet, son partenaire dans Virtual Audio (www.virtuel-audio.com), d’investir dans un micro, le top du top, un « Sound Field » à 7 500 euros  ! On vous l’a dit, c’est un passionné de son VR, Eric.

Ne reste plus qu’à s’équiper en doudounes… Mais quelques jours avant le départ, GoPro « entre dans la danse » et propose trois rigs VR de six caméras chacun, dont un équipé pour les prises de vues sous-marines. Eric rachète du matériel son et des bonnettes antivent supplémentaires.

Hiver 2015, ils partent à onze pour quarante-cinq jours de tournage sur l’archipel de Pointe Géologie. L’équipe commence par une longue navigation… et un retard sur le planning de douze jours pour cause de grosses tempêtes. L’ingé son n’a pas le mal de mer  : il occupe ce loisir forcé à tester son matériel et à préparer celui des tournages hélico. Il peaufine, pense qu’il est fin prêt… mais le tournage va lui réserver quelques surprises.

Avant de nous en dire plus, Eric raconte ses débuts dans « l’univers du son ».

Si vous souhaitez profiter pleinement du son spatialisé, écoutez avec votre casque.

Ado, Eric était très matheux et aussi fou de musique. Math plus musique égale… Ecole Louis Lumière à Paris pour des études d’ingénieur du son. Au détour d’un cours, un professeur explique le binaural, une technique d’écoute au casque, née en France fin du 19ème et pratiquement oubliée depuis. Le binaural c’est tout simplement enregistrer et écouter un environnement de la façon la plus naturelle possible. Pas simple, le son est une affaire très personnelle et sa perception diffère d’une personne à l’autre, elle dépend de la forme de l’oreille, du nez, de la texture de la peau, la hauteur des épaules… De plus, chaque oreille détermine la distance, la position angulaire et la direction des sources. Ensuite, le cerveau synthétise toutes ces infos en 3D.

Après ce cours, Eric et ses potes tentent des enregistrements en binaural, à la manière de chercheurs américains qui, dans les années 30, ont créé Oscar, une tête artificielle munie d’un micro par oreille. Pour ceux qui découvrent le binaural – et pour les anglophones – en voici une excellente illustration : la séquence du coiffeur virtuel http://hyperradio.radiofrance.fr/binauralquelques-demos-fameuses.

Depuis, Eric est à la pointe de toutes les nouveautés 3D, pour le plaisir et pour le business. En 2000 il teste les premiers micros ambisonics, aujourd’hui, il s’intéresse à l’outil de spacialisation révolutionnaire, développé par l’IRCAM, une salle en WFS (wave field syntesis) équipée de 360 enceintes. En parallèle, il fait des recherches pour enregistrer des concerts virtuels avec des perceptions sonores différentes selon l’emplacement où on se trouve dans la salle. Pour cela il met à contribution son pote auteur-compositeur, Tony Allen.

Il suit aussi de très près les évolutions apportées aux logiciels de mixage, devient béta testeur de logiciels pour Aspic Technologie parce que le moment de vérité en 3D, c’est le retour à Paris au studio mixage, lorsqu’il faut synchroniser au casque, les sons avec les images. Parfois c’est la galère, ça a été le cas au retour de l’Antarctique. Eric en fait encore la grimace : « Ça a été vraiment laborieux, alors que le tournage – rétrospectivement – s’est finalement plutôt bien passé. »

Début décembre 2015, grand ciel bleu : le printemps mais par moins 20 en Terre Adélie. Chance inouïe, cette année, la banquise commence à peine à fondre, des conditions idéales. L’équipe est en place pour un rendez-vous unique dans une vie de manchots empereur : le premier bain des petits dans l’eau glacée du pôle sud. Ils sont une centaine face à l’océan à se dandiner en silence. L’équipe retient son souffle, les caméras tournent… Un cri, la colonie se met en marche. Sous l’eau, un des plongeurs tient à deux mains la perche du rig sous-marin (plus tard en post-prod, la perche et le rig seront effacés). Le premier bain des petits, c’est quelques secondes d’images et de sons vraiment exceptionnels.

Sur le site d’Arte on peut découvrir des extraits de ces instants magiques en VR. On y voit Eric qui se retourne fréquemment vers un des rigs GoPro et semble inquiet. C’est qu’une fois sur place, surprise : personne dans l’équipe n’a eu le temps de s’occuper de la VR image ! Mais heureusement l’ingé son, lui, était là. Il a trouvé de beaux points de vue, placé ses rigs pour montrer le travail de l’équipe… et découvert les contraintes « un peu rock n’roll » d’un tournage en Antarctique : la banquise, c’est tout plat, il faut trouver des crevasses pour se cacher lorsqu’on tourne un plan large en 3D et l’autonomie des GoPro se réduit à 7 minutes par grand froid : sur un rig de 6, une des caméras s’arrête souvent… sans oublier qu’Eric doit aussi et surtout assurer le son pour Jacquet et Bouvier.

Un mois et demi à se rapprocher tout doucement de la tête des manchots pour capter leur chant, à déjouer le vent, et à enregistrer sous l’eau avec des hydrophones : quel régal d’entendre les mammifères marins vocaliser, la glace craquer avec des résonnances de sciences fiction !

Pour en avoir un aperçu il faut aller sur le site d’Arte (http://future.arte.tv/fr/expeditionantarctica-360deg) et se laisser emporter par les sons et les images : en dépit de notre température estivale actuelle, on partage l’émerveillement de l’équipe, on ressent le froid polaire. Les manchots en 3D, un vrai frisson !

Crédit : Marisa Cattini / VR Story